• Le laboureur et ses enfants de Jean de La Fontaine

    LE LABOUREUR ET SES ENFANTS.

    Travaillez, prenez de la peine:
    C'est le fonds qui manque le moins.
    Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
    Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
    "Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage,
    Que nous ont laissé nos parents,
    Un trésor est caché dedans.
    Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage
    Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
    Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût.
    Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
    Où la main ne passe et repasse."
    Le père mort, les fils vous retournent le champ,
    deçà, delà, partout; si bien qu'au bout de l'an
    Il en rapporta davantage.
    D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
    De leur montrer, avant sa mort,
    Que le travail est un trésor.


    Jean de La Fontaine


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  • Le lièvre et la tortue de Jean de La Fontaine

    LE LIEVRE ET LA TORTUE.

    Rien ne sert de courir; il faut partir à point.
    Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.
    "Gageons, dit celui-ci, que vous n'atteindrez point
    Sitôt que moi ce but. - Sitôt? Etes-vous sage?
    Repartit l'animal léger.
    Ma commère, il vous faut purger
    Avec quatre grains d'ellébore.
    - Sage ou non, je parie encore."
    Ainsi fut fait: et de tous deux
    On mit près du but les enjeux.
    Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
    Ni de quel juge l'on convint.
    Notre lièvre n'avait que quatre pas à faire;
    J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
    Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes
    Et leur fait arpenter les landes.
    Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
    Pour dormir, et pour écouter
    D'où vient le vent, il laisse la tortue
    Aller son train de sénateur.
    Elle part, elle s'évertue;
    Elle se hâte avec lenteur.
    Lui cependant méprise une telle victoire,
    Tient la gageure à peu de gloire,
    Croit qu'il y va de son honneur
    De partir tard. Il broute, il se repose,
    Il s'amuse à tout autre chose
    Qu'à la gageure. A la fin quand il vit
    Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
    Il partit comme un trait; mais les élans qu'il fit
    Furent vains: la tortue arriva la première.
    "Hé bien! cui cria-t-elle, avais-je pas raison?
    De quoi vous sert votre vitesse?
    Moi, l'emporter! Et que serait-ce
    Si vous portiez une maison?"


    Jean de La Fontaine


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  • Le Héron de Jean de la Fontaine

    LE HERON


    Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où
    Le Héron au long bec emmanché d'un long cou.
    Il côtoyait une rivière.
    L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours;
    Ma commère la carpe y faisait mille tours,
    Avec le brochet son compère.
    Le héron en eût fait aisément son profit:
    Tous approchaient du bord, l'oiseau n'avait qu'à prendre;
    Mais il crut mieux faire d'attendre
    Qu'il eût un peu plus d'appétit.
    Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.
    Après quelques moments, l'appétit vint; l'oiseau
    S'approchant du bord vit sur l'eau
    Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
    Le mets ne lui plut pas: il s'attendait à mieux,
    Et montrait un air dédaigneux,
    Comme le rat du bon Horace.
    "Moi, des tanches? dit-il, moi, héron, que je fasse
    Une si pauvre chère? Et pour qui me prend-on?"
    La tanche rebutée, il trouva du goujon.
    "Du goujon? c'est bien là le dîner d'un héron!"
    J'ouvrirais pour si peu le bec! Aux dieux ne plaise!"
    Il l'ouvrit pour bien moins: tout alla de façon
    Qu'il ne vit plus aucun poisson.
    La faim le prit; il fut tout heureux et tout aise
    De rencontrer un limaçon.


    Jean de la Fontaine


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  • Le Loup et le Chien de Jean de La Fontaine

    LE LOUP ET LE CHIEN


    Un loup n'avait que les os et la peau,
    Tant les chiens faisaient bonne garde.
    Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
    Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
    L'attaquer, le mettre en quartiers,
    Sire loup l'eût fait volontiers.
    Mais il fallait livrer bataille;
    Et le mâtin était de taille
    A se défendre hardiment.
    Le loup donc l'aborde humblement,
    Entre en propos, et lui fait compliment
    Sur son embompoint qu'il admire.
    "Il ne tiendra qu'à vous, beau sire,
    D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien.
    Quittez les bois, vous ferez bien:
    Vos pareils y sont misérables,
    Cancres, hères, et pauvres diables,
    Dont la condition est de mourir de faim.
    Car quoi ? Rien d'assuré; point de franche lippée:
    Tout à la pointe de l'épée.
    Suivez-moi: vous aurez un bien meilleur destin."
    Le loup reprit: "Que me faudra-t-il faire ?
    - Presque rien, dit le chien, donner la chasse aux gens
    Portants bâtons et mendiants;
    Flatter ceux du logis, à son maître complaire;
    Moyennant quoi votre salaire
    Sera force reliefs de toutes les façons:
    Os de poulets, os de pigeons;
    Sans parler de mainte carcasse."
    Le loup déjà se forge une félicité
    Qui le fait pleurer de tendresse.
    Chemin faisant il vit le col du chien pelé.
    "Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi rien ? - Peu de chose.
    - Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
    De ce que vous voyez est peut-être la cause.
    - Attaché ? dit le loup; vous ne courez donc pas
    Où vous voulez ? - Pas toujours, mais qu'importe ?
    - Il importe si bien que de tous vos repas
    Je ne veux en aucune sorte,
    Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor."
    Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.


    Jean de La Fontaine


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  • Le chat, la belette et le petit lapin de Jean de La Fontaine


    LE CHAT, LA BELETTE ET LE PETIT LAPIN


    Du palais d'un jeune lapin
    Dame belette un beau matin
    S'empara : c'est une rusée.
    Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
    Elle porta chez lui ses pénates un jour
    Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour
    Parmi le thym et la rosée.
    Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
    Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
    La belette avait mis le nez à la fenêtre.
    "O dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
    Dit l'animal chassé du paternel logis.
    O là ! Madame la belette,
    Que l'on déloge sans trompette,
    Ou je vais avertir tous les rats du pays."
    La dame au nez pointu répondit que la terre
    Etait au premier occupant.
    C'était un beau sujet de guerre
    Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant !
    "Et quand ce serait un royaume,
    Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
    En a pour toujours fait l'octroi
    A jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
    Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi."
    Jean Lapin allégua la coutume et l'usage.
    "Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
    Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
    L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean transmis.
    Le premier occupant, est-ce une loi plus sage ?
    - Or bien, sans crier davantage,
    Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis."
    C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
    Un chat faisant la chattemite,
    Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
    Arbitre expert sur tous les cas.
    Jean Lapin pour juge l'agrée.
    Les voilà tous deux arrivés
    Devant sa majesté fourrée.
    Grippeminaud leur dit : "Mes enfants, approchez,
    Approchez ; je suis sourd ; les ans en sont la cause."
    L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose.
    Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
    Grippeminaud le bon apôtre,
    Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
    Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
    Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
    Les petits souverains se rapportant aux rois.


    Jean de La Fontaine


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  • La laitière et le pot au lait de Jean de La Fontaine

    LA LAITIERE ET LE POT AU LAIT


    Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait
    Bien posé sur un coussinet,
    Prétendait arriver sans encombre à la ville.
    Légère et court vêtue, elle allait à grands pas,
    Ayant mis ce jour-là pour être plus agile
    Cotillon simple, et souliers plats.
    Notre laitière ainsi troussée
    Comptait déjà dans sa pensée
    Tout le prix de son lait, en employait l'argent,
    Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée;
    La chose allait à bien par son soin diligent.
    "Il m'est, disait-elle, facile
    D'élever des poulets autour de ma maison:
    Le renard sera bien habile,
    S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon.
    Le porc à engraisser coûtera peu de son;
    Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable;
    J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon.
    Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,
    Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
    Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?"
    Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
    Le lait tombe : adieu veau, vache, cochon, couvée.
    La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri
    Sa fortune ainsi répandue,
    Va s'excuser à son mari,
    En grand danger d'être battue.
    Le récit en farce en fût fait:
    On l'appela le Pot au lait.
    Quel esprit ne bat la campagne ?
    Qui ne fait châteaux en Espagne ?
    Picrochole, Pyrrhus, la laitière, enfin tous,
    Autant les sages que les fous ?
    Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux;
    Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes:
    Tout le bien du monde est à nous,
    Tous les honneurs, toutes les femmes.
    Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi:
    Je m'écarte, je vais détrôner le sophi;
    On m'élit roi, mon peuple m'aime;
    Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant.
    Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même,
    Je suis Gros-Jean comme devant.


    Jean de La Fontaine


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  • Les grenouilles qui demandent un roi de Jean de La Fontaine

    LES GRENOUILLES QUI DEMANDENT UN ROI


    Les grenouiles, se lassant
    De l'état démocratique,
    Par leurs clameurs firent tant
    Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
    Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique:
    Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant
    Que la gent marécageuse,
    Gent fort sotte et fort peureuse,
    S'alla cacher sous les eaux,
    Dans les joncs, dans les roseaux,
    Dans les trous du marécage,
    Sans oser de longtemps regarder au visage
    Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau;
    Or c'était un soliveau,
    De qui la gravité fit peur à la première
    Qui, de le voir s'aventurant,
    Osa bien quitter sa tanière.
    Elle s'approcha, mais en tremblant.
    Une autre la suivit, une autre en fit autant,
    Il en vint une fourmilière;
    Et leur troupe à la fin se rendit familière
    Jusqu'à sauter sur l'épaule du roi.
    Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi.
    Jupin en a bientôt la cervelle rompue.
    "Donnez-vous, dit ce peuple, un roi qui se remue."
    Le monarque des dieux leur envoie une grue,
    Qui les croque, qui les tue,
    Qui les gobe à son plaisir.
    Et les grenouilles de se plaindre;
    Et Jupin de leur dire : "Et quoi ! votre désir
    A ses lois croit-il nous astreindre ?
    Vous avez dû premièrement
    Garder votre gouvernement;
    Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire
    Que votre premier roi fût débonnaire et doux:
    De celui-ci contentez-vous,
    De peur d'en rencontrer un pire."


    Jean de La Fontaine


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  • Le renard et les raisins de Jean de La Fontaine

    LE RENARD ET LES RAISINS


    Certain renard gascon, d'autres disent normand,
    Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille
    Des raisins mûrs apparemment
    Et couverts d'une peau vermeille.
    Le galant en eût fait volontiers un repas;
    Mais, comme il n'y pouvait atteindre:
    "Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats."
    Fit-il pas mieux que de se plaindre ?


    Jean de La Fontaine


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  • LE LION ET LE RAT


    Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde
    On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
    De cette vérité deux fables feront foi,
    Tant la chose en preuves abonde.

    Entre les pattes d'un lion
    Un rat sortit de terre assez à l'étourdie.
    Le roi des animaux, en cette occasion,
    Montra ce qu'il était et lui donna la vie.
    Ce bienfait ne fut pas perdu.
    Quelqu'un aurait-il jamais cru
    Qu'un lion d'un rat eût affaire ?
    Cependant il avint qu'au sortir des forêts
    Ce lion fut pris dans des rets;
    Dont ses rugissements ne le purent défaire.
    Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
    Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.

    Patience et longueur de temps
    Font plus que force ni que rage.


    Jean de La Fontaine


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  • La tortue et les deux canards de Jean de La Fontaine
    LA TORTUE ET LES DEUX CANARDS


    Une Tortue était, à la tête légère,
    Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays,
    Volontiers on fait cas d'une terre étrangère:
    Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
    Deux canards à qui la commère
    Communiqua ce beau dessein,
    Lui dirent qu'ils avaient de quoi la satisfaire:
    Voyez-vous ce large chemin ?
    Nous vous voiturerons, par l'air, en Amérique,
    Vous verrez mainte République,
    Maint Royaume, maint peuple, et vous profiterez
    Des différentes moeurs que vous remarquerez.
    Ulysse en fit autant. On ne s'attendait guère
    De voir Ulysse en cette affaire.
    La Tortue écouta la proposition.
    Marché fait, les oiseaux forgent une machine
    Pour transporter la pélerine.
    Dans la gueule en travers on lui passe un bâton.
    Serrez bien, dirent-ils; gardez de lâcher prise.
    Puis chaque canard prend ce bâton par un bout.
    La Tortue enlevée on s'étonne partout
    De voir aller en cette guise
    L'animal lent et sa maison,
    Justement au milieu de l'un et l'autre oison.
    Miracle, criait-on. Venez voir dans les nues
    Passer la Reine des Tortues.
    "La Reine. Vraiment oui. Je la suis en effet."
    Ne vous en moquez point. Elle eût beaucoup mieux fait
    De passer son chemin sans dire aucune chose;
    Car lâchant le bâton en desserrant les dents,
    Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
    Son indiscrétion de sa perte fut cause.
    Imprudence, babil et sotte vanité,
    En vaine curiosité,
    Ont ensemble étroit parentage.
    Ce sont enfants tous d'un lignage.


    Jean de La Fontaine

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  • Le rat de ville et le rat des champs de Jean de La Fontaine

    LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS.

    Autrefois le rat de ville
    Invita le rat des champs,
    D'une façon fort civile,
    A des reliefs d'ortolans.

    Sur un tapis de Turquie
    Le couvert se trouva mis.
    Je laisse à penser la vie
    Que firent ces deux amis.

    Le régal fût fort honnête,
    Rien ne manquait au festin;
    Mais quelqu'un troubla la fête
    Pendant qu'ils étaient en train.

    A la porte de la salle
    Ils entendirent du bruit.
    Le rat de ville détale,
    Son camarade le suit.

    Le bruit cesse, on se retire:
    Rats en campagne aussitôt;
    Et le citadin de dire:
    "Achevons tout notre rôt.

    - C'est assez, dit le rustique;
    Demain vous viendrez chez moi:
    Ce n'est pas que je me pique
    De tous vos festins de roi;

    Mais rien ne vient m'interrompre:
    Je mange tout à loisir.
    Adieu donc, fi du plaisir
    Que la crainte peut corrompre!"


    Jean de la Fontaine


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  • La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf de Jean de La Fontaine

    LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BOEUF.

    Une grenouille vit un boeuf
    Qui lui sembla de belle taille.
    Elle qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
    Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
    Pour égaler l'animal en grosseur,
    Disant: "Regardez bien, ma soeur;
    Est-ce assez? dites-moi. N'y suis-je point encore?
    - Nenni. - M'y voici donc? - Point du tout. - M'y voilà?
    - Vous n'en approchez point." La chétive pécore
    S'enfla si bien qu'elle creva.

    Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages:
    Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs;
    Tout petit prince a des ambassadeurs;
    Tout marquis veut avoir des pages.


    Jean de La Fontaine


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  • Le chêne et le roseau de Jean de La Fontaine

    LE CHENE ET LE ROSEAU.

    Le chêne un jour dit au roseau:
    "Vous avez bien sujet d'accuser la nature:
    Un roitelet pour vous est un pesant fardeau.
    Le moindre vent qui d'aventure
    Fait rider la face de l'eau
    Vous oblige à baisser la tête:
    Cependant que mon front, au Caucase pareil,
    Non content d'arrêter les rayons du soleil,
    Brave l'effort de la tempête.
    Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.
    Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
    Dont je couvre le voisinage,
    Vous n'auriez pas tant à souffrir:
    Je vous défendrais de l'orage.
    Mais vous naissez le plus souvent
    Sur les humides bords des royaumes du vent.
    La nature envers vous me semble bien injuste.
    - Votre compassion, lui répondit l'arbuste,
    Part d'un bon naturel; mais quittez ce souci.
    Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
    Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
    Contre leurs coups épouvantables
    Résisté sans courber le dos;
    Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots,
    Du bout de l'horizon accourt avec furie
    Le plus terrible des enfants
    Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
    L'arbre tient bon, le roseau plie;
    Le vent redouble ses efforts,
    Et fait si bien qu'il déracine
    Celui de qui la tête au ciel était voisine,
    Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.

    Jean de La Fontaine


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  • La poule aux oeufs d'or de Jean de La Fontaine

    LA POULE AUX OEUFS D'OR.

    L'avarice perd tout en voulant tout gagner.
    Je ne veux, pour le témoigner,
    Que celui dont la poule, à ce que dit la Fable,
    Pondait tous les jours un oeuf d'or.
    Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
    Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
    A celles dont les oeufs ne lui rapportaient rien,
    S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
    Belle leçon pour les gens chiches:
    Pendant ces derniers temps combien en a-t-on vus
    Qui du soir au matin sont pauvres devenus
    Pour vouloir trop tôt être riches!


    Jean de La Fontaine


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  • La cigale et la fourmi
    (Jean de la Fontaine)
    La cigale , ayant chanté tout l'été,
    se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.
    Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau.
    Elle alla crier famine chez la fourmi sa voisine,
    la priant de lui prêter quelque grain pour subsister
    jusqu'à la saison nouvelle "Je vous paierai, lui dit-elle,
    avant l'oût , foi d'animal, intérêt et principal ."
    La fourmi n'est pas prêteuse ; c'est là son moindre défaut.
    "Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse.
    Nuit et jour à tout venant je chantais, ne vous déplaise.
    - Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien : dansez maintenant."


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  • Le Loup & l’Agneau.


    La raison du plus fort est toujours la meilleure.
        Nous l’allons montrer tout à l’heure.
        Un Agneau se désaltérait
        Dans le courant d’une onde pure.
    Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
    Et que la faim en ces lieux attirait.
    Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
        Dit cet animal plein de rage :
        Tu seras châtié de ta témérité.
    Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté
        Ne se mette pas en colère ;
        Mais plutôt qu’elle considère
        Que je me vas désaltérant
            Dans le courant,
        Plus de vingt pas au-dessous d’elle ;
    Et que par conséquent en aucune façon
        Je ne puis troubler sa boisson.
    Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
    Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
    Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?
        Reprit l’Agneau, je tête encore ma mère,
        Si ce n’est toi, c’est donc ton frère :
    Je n’en ai point. C’est donc quelqu’un des tiens :
        Car vous ne m’épargnez guère,
        Vous, vos bergers, & vos chiens.
    On me l’a dit : il faut que je me venge.
        Là-dessus au fond des forets
        Le Loup l’emporte, et puis le mange,
        Sans autre forme de procès.

     

    Jen de la fontaine


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  • Maître Corbeau, sur un arbre perché,
    Tenait en son bec un fromage.
    Maître Renard, par l'odeur alléché,
    Lui tint à peu près ce langage :
    “ Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau,
    Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
    Sans mentir, si votre ramage
    Se rapporte à votre plumage,
    Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. ”
    A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
    Et pour montrer sa belle voix,
    Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
    Le Renard s'en saisit, et dit : “ Mon bon Monsieur,
    Apprenez que tout flatteur
    Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
    Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. ”
    Le Corbeau, honteux et confus,
    Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus
    .


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